À l'idée qu'une fête est lancée au palais pour le Nouvel An, ça me rappelle un peu la maison. À la différence qu'il n'y avait pas de palais chez nous. Tous les ans, on se réunissait pour le Festival du printemps, ma famille et moi. Enfin, ma belle-famille. Même si j'étais heureux, j'avais tout de même toujours une pensée pour ma famille nucléaire, toujours dans la province de Gaomi aux dernières nouvelles. Ils me manquaient, cette fête tenant son noyau dans la réunion familiale. Mais je ne pouvais pas non plus abandonner mes parents adoptifs qui avaient tant fait pour moi et leur préférer ma ville natale. J'aurais aimé pouvoir concilier les deux et je me suis souvent reprocher de négliger ma vraie famille et de me cacher derrière des excuses pour ne pas prendre soin de ma parenté tel que je l'aurais dû, moi qui était de tous le plus apte à le faire. Néanmoins, les regrets sont inutiles maintenant et je ne peux qu'avancer de l'avant. En souvenir du passé, en honneur de mes braves parents, j'ai décidé de rejoindre la fête, bien que je ne me sois toujours pas fait beaucoup de connaissances à Wonderland. Puis ce n'était pas si grave, une réception étant par excellence l'endroit où faire de nouvelles rencontres agréables. Pas toujours, mais ça pouvait arriver souvent. Puis je sais aussi qu'elle aurait voulu que j'y aille, plutôt que de me terrer seul en cette journée qui devait être remplie de joie et d'animations. L'espace d'un instant, je me demande à quel moment de l'année sommes-nous dans mon pays natal et s'ils passeront les fêtes du début d'année sans moi, en se demandant où j'ai bien pu passer. Je suis de plus en plus inquiet pour ceux qui me sont chers, mais je commence à comprendre aussi que l'inquiétude ne sert à rien.
Pour l'occasion, j'ai décidé d'opter pour un tissu rouge brodé afin de me créer une tenue traditionnelle chinoise. Si j'ai fait ce choix, c'est en partie parce que le rouge est une couleur qui porte chance et désigne le bonheur et j'espèce que ce sera donc de bonne augure pour moi. Les broderies du tissu sont effectuées à l'aide d'un fil doré et on dirait vraiment que je suis tombé sur un morceau de soie comme on en faisait autrefois dans le palais des empereurs. Sa légèreté et sa douceur sont formidables, je n'aurais jamais cru pouvoir faire une pareille trouvaille dans ce pays si étrange. C'était pour le moins étonnant. Une fois l'addition réglée et la soie achetée, j'ai cherché un moment la couturière qui m'irait le mieux. J'ai dû chercher longtemps avant de tomber sur une vieille dame au dos courbé, penchée sur son fil et ses aiguilles. Le temps de prendre mes mensurations, l'affaire était entendue et je lui laissai le précieux tissu avant de repartir vaquer à mes occupations. C'était il y a de cela une semaine et c'est aujourd'hui que je vais récupérer le produit fini.
Lorsque j'arrive à la demeure de la vieille femme, celle-ci semble m'attendre paisiblement, la tenue pliée sur ses genoux. Sans l'avoir dépliée, sans l'avoir déjà essayée, je sais déjà qu'elle est parfaite et que j'ai eu raison de laisser entre ses mains ce travail menu. Elle me tend l'habit que je prends dans mes mains en le dépliant. C'est exactement ce à quoi je m'attendais. Pour lui faire plaisir, j'enfile rapidement la veste par-dessus mes vêtements et lui montre ainsi le résultat. Elle me sied parfaitement et tombe naturellement sur mes hanches, ce qui donne un air vivant au vêtement. Je la remercie pour son travail et lui paie les frais du travail effectué et il me semble que c'est pourtant beaucoup trop peu pour un travail aussi bien effectué.
De retour à la maison, je cache mon précieux paquet sous mon matelas, persuadé que là personne ne le trouvera : j'ai entendu dire que certaines personnes s'amusaient tous les ans à voler les costumes des autres, or il est de question qu'on me vole le mien, un chef d'oeuvre qui me rappelle mes origines et qui dévoilera facilement qui je suis malgré le masque de tigre que je prévois porter pour l'occasion.